Les bienfaits des plantes sauvages comestibles
Fut un temps, qui n'est pas complètement révolu pour tout le monde, la cueillette faisait partie du quotidien. Du ramassage des plantes spontanées avant l'avènement de l'agriculture et la sélection des légumes, aux soins apportés au potager, les heures passées à glaner dans les bois, les prairies ou son jardin étaient essentielles pour composer son menu et le diversifier. Le « sauvage » comme le « cultivé » étaient les ressources principales de chacun et de chaque famille, et la tache alléguée le plus souvent aux femmes accompagnées de la marmaille était cruciale pour la survie, en complément des gros travaux agricoles effectués par l'homme. Ce sont ces petits riens peu valorisés socialement qui assuraient l'alimentation quotidienne, quelle que soit la saison, en attendant les récoltes de céréales, féculents et légumineuses.
Halte aux cadences infernales...
La cueillette en elle-même, sans parler des potagers, maintenant plutôt réduite au ramassage des champignons et des baies à confitures le dimanche en famille, n'est plus à l'ordre du jour d'hommes et de femmes souvent entraînés bien malgré eux dans un rythme journalier effréné. Elle demande du temps et de la disposition à cette activité pas plus difficile que de se perdre dans les rayons d'un grand supermarché et de faire la queue aux caisses. Mais une autre organisation du quotidien et une façon différente d'aborder le temps passé en dehors du travail et de son doux nid douillet sont nécessaires. Bien sûr, la retraite permet de flâner à l'orée du bois et d'imaginer son repas suivant les rencontres, mais, lorsqu'on est encore « actif » professionnellement, il n'est pas impossible une ou plusieurs fois par semaine de se prévoir une heure ou deux pour une petite balade durant laquelle quelques plantes seront récoltées pour le soir ou le lendemain, juste en passant, comme çà, tranquillement ! Encore faut-il pour cela habiter à la campagne ou en périphérie des villes. Mais le bienfait est sans conteste à plusieurs niveaux, car ces heures de détente permettent de sortir du stress habituel, de « respirer » et prendre du recul. Elles s'apparentent presque à de la méditation. Les bénéfices pour la santé d'une assiette bien composée ne sont plus à démontrer. Et grâce à ces petits moments précieux, en plus de porter un nouveau regard sur notre environnement végétal, notre bien être général psychologique et physiologique se porte mieux et à long terme.
La nature, une source de vie...
C'est une démarche qui peut paraître anodine mais qui se révèle très équilibrante pour l'individu. La « nature » retrouve ainsi son rôle direct comme source de vie et redevient digne d'un plus grand respect qui aboutit à une meilleure protection. Car la cueillette n'est pas incompatible avec la sauvegarde de l'environnement, bien au contraire puisque l'on ne protège que ce que l'on connaît et affectionne. A condition que cette cueillette reste à petite échelle, individuelle ou familiale, et en prenant garde de ne jamais « ratisser » une espèce végétale dans un lieu. Les notions de glanage et de ramassage conviennent très bien. En passant par ci, en flânant par là, on recueille çà et là des « sauvageonnes », juste ce qui faut pour le repas ou quelques conserves, ni plus ni moins, sans tarir la magnifique source du règne végétal à notre porte. Car c'est dès que nous avons passé le seuil de notre maison qu'il faut partir à l'aventure, découvrir et connaître notre lieu de vie, ses alentours, ses recoins et ses richesses naturelles. Il ne faut pas attendre un lieu de villégiature, même magnifique, pour devenir curieux. Car les bienfaits de la nature sont au quotidien, chez soi, et ne doivent pas être exceptionnels ou un luxe soit inabordable, soit trop ponctuel. Voilà pourquoi l'utilisation des plantes sauvages en cuisine doit se faire avec des recettes simples, applicables au jour le jour comme on le ferait avec nos habituels légumes. Et il faut pour cela avoir dans sa besace de petits savoirs un panel d'herbes variées, croissant dans différents milieux, pour trouver à chaque saison et où que nous soyons, du moins en Europe, des plantes comestibles.
Glanons dans les prés et les bois...
Avec le développement des loisirs dits de « nature » et l'augmentation significative du temps passé en dehors du lieu de travail (parfois bien involontaire !), la randonnée, seul ou en groupe, est en pleine explosion. Pourquoi ne pas redonner alors un nouveau sens de découverte à nos balades et retrouver le goût de la cueillette ? Sans oublier que, en suivant quelques règles de récolte, le règne végétal peut nous fournir chaque jour et à chaque saison une nourriture gratuite à portée de main. Ces traditions de ramassages sont complètement liées au savoir-faire culinaire ancestral et permettent ainsi de sauvegarder et transmettre un patrimoine de connaissances des plantes voisines et leurs diverses utilisations dans notre culture. Nous, qui ne sommes pas de tradition orale dans la transmission des savoirs, devons maintenir pour la « science » et le plaisir ces connaissances déjà bien tombées dans l'oubli et le mépris, ou la simple ignorance.
Oui, il y a du plaisir à découvrir ou redécouvrir des nouvelles saveurs, parfois connues mais inattendues chez une plante sauvage, parfois étonnantes, surprenantes au premier abord. Du très doux à l'amer, de l'acide au poivré, et de l'aromatique au salé, la gamme des goûts « sauvages » est étendue. A chacun de choisir ses octaves préférés et de poser des dièses ou des bémols dans la composition de ces menus. Les premières expériences culinaires aux « herbes » sont parfois déroutantes car confrontées à la cuisine contemporaine qui a tendance à uniformiser les plats et les goûts. Alors sans devenir un nouveau sauvage ou brouter la pelouse, nous pouvons en douceur enrichir nos menus, quotidiens ou pas, d'une palette originale, saine, agréable et gratuite, de saveurs et de plantes aux qualités nutritives très souvent supérieures à celles des légumes sélectionnés et cultivés.
Sans détrôner la base de notre alimentation actuelle, elles sont un complément indéniable, pour le bien être, l'éducation aux goûts et la nutrition. Même en hiver, les ressources en légumes spontanés tarissent peu et permettent d'améliorer des menus souvent composés uniquement de féculents. Car, tous ceux qui possèdent un potager quasi déserté par les légumes en hiver ont pu constater que ces herbes adventices dites « mauvaises » n'attendent pas toutes le printemps pour se manifester : de la mâche sauvage à l'ortie, des laiterons au mouron blanc, des rumex au pissenlit ou du plantain à la pariétaire, toutes répondent présentes à qui sait les apprécier et qui aura abandonné pour son jardin et ses alentours cette notion de mauvaises herbes. Un jardin, c'est l'occasion de les « cultiver », d'apprendre à les identifier précisément à chaque stade de développement et de les garder relativement éloignées des pollutions. Alors cessons cette guerre de position avec les plantes sauvages et sachons, parmi nos légumes communs et cultivés, leur laisser une place importante et méritée. Sarclons modestement et à bon escient, renvoyons aux industriels leurs herbicides et vivons en paix avec le « bon sauvage apprivoisé » (à moins que ce soient ces herbes qui, par leur ténacité, finissent par nous apprivoiser !), entourés de cette richesse naturelle spontanée. Maintenant, le désherbage remplit votre panier !
Des plantes sauvages au jardin...
On peut ainsi introduire des nouvelles plantes comme de nouveaux légumes dans nos plates-bandes. Pour cela, récoltez les graines de plantes sauvages et semez-les à l'automne ou au printemps en respectant au mieux leurs conditions de vie naturelles et leurs milieux. Vous pouvez aussi prélever quelques exemplaires sur place seulement si la plante est présente en abondance. Reconstituez alors le terrain favori de la plante choisie en l'observant dans son biotope. Est-elle sur terrain calcaire ou acide ? Pousse-t-elle au soleil, sur sol sec, à l'ombre ou mi-ombre, en terre riche et humide ? Affectionne-t-elle les abords des ruines et des sols azotés ou les talus pierreux et bien drainés ? Malgré toute l'application que vous aurez mis à « recréer » le milieu d'une plante sauvage (ce qui en pratique est extrêmement difficile car énormément de facteurs écologiques se combinent dans la nature), sachez qu'elle s'adaptera ... ou pas. Suivant la plante et ses exigences propres, suivant les facteurs internes à votre jardin, le climat, etc., elle poussera tout à fait à l'aise, végètera ou disparaîtra. Mais pensez à étiquetez vos plants afin de vous souvenir de l'emplacement de chacun et suivre leur croissance pour ainsi pouvoir les identifier à tous les stades de végétation. Vous pouvez aussi vous procurer des graines chez des grainetiers « initiés » en prenant garde de ne pas acheter des graines dites « améliorées ». Ainsi, n'hésitez pas à introduire orties (s'il y a besoin d'introduction !), plantain lancéolé, hysope, mélisse, pulmonaire, bourrache, consoude, julienne, monnaie de pape, violette, buglosse, coquelicot, capucine, pimprenelle, achillée millefeuille, moutarde blanche, mauve, thym, amaranthe, chénopode, mouron des oiseaux, ... et tant d'autres.
La nature, une corne d'abondance...
Il suffit d'une petite balade aux alentours de notre maison, à la campagne, en forêt, dans les fossés... pour s'apercevoir de la richesse naturelle qui nous environne, encore... Partez muni d'un manuel de botanique ou du plus simple livre sur les fleurs des champs et vous découvrirez toute une foule de plantes sur un chemin de 100 m de long, pas plus ! Que de merveilleuses découvertes par ci et par là, le plaisir de la rencontre et la joie d'associer enfin une image en nature au nom d'une herbe depuis longtemps recherchée. Observer, toucher, sentir, goûter... avoir les sens en éveil dans notre perception du monde végétal comme dans chaque situation quotidienne. Pourquoi pas découvrir une plante par jour autour de chez soi, et tout le long de l'année. Car chaque saison est accompagnée de son cortège d'herbes et légumes sauvages qui nous régalent ainsi de l'hiver à l'automne. Notre physiologie et nos exigences nutritives varient aussi suivant les saisons et nous trouverons alors les plantes qui nous correspondent et répondent salutairement à nos besoins à chaque époque de l'année.
En toutes saisons...
Les premiers froids bien vifs et les premières gelées de l'hiver ne doivent pas nous rebuter pour partir en balade. Bien au contraire, partons cueillir les fruits qui restent immangeables justement tant qu'ils n'ont pas subi ces gelées. Oubliées de tous, alises, cormes, sorbes, nèfles et autres vous attendent. Et votre ration quotidienne en vitamine C reste suspendue, à votre portée, sous forme de cynorrhodons dans les églantiers !
La « mauvaise » saison hivernale aura un nouveau sens lorsque vous aurez découvert la richesse en amidon et sucres des racines de certaines plantes bisannuelles, telles que carotte sauvage, onagre, bardane, panais, campanule raiponce. Car ces plantes font des réserves durant la bonne saison de leur première année pour passer l'hiver et posséder l'énergie nécessaire au printemps suivant pour croître rapidement et produire les fleurs, les fruits et les graines. L'hiver est donc le bon moment pour déguster ces végétaux aux racines gonflées de sucres. Mais ils devront être identifiés avec précaution car, puisqu'ils n'ont pas de fleurs et peu de végétation, ils sont parfois peu reconnaissables et des confusions pourraient entraîner de très réels désagréments...
L'énergie de ces plantes nous permettra, à nous aussi, de lutter contre le froid et les vitamines nous seront apportées par ces herbes qui défient l'hiver. Plantain, mouron des oiseaux, primevère, ortie, ... agrémenteront vos repas. Les Crucifères sauvages, riches en soufre, vous éviteront peut-être certains rhumes. En montagne, la neige recouvre tout, mais ce manteau protecteur nous assure des cueillettes riches en légumes sauvages dès la fin de l'hiver.
Cure de printemps...
La nature est alors une aubaine et les jardins sont déserts. Les légumes courants sont pauvres en vitamines car ils sont soit stockés depuis longtemps ou cultivés alors sous serres. A cette époque, nous regrettons nos excès des fêtes passées et des repas copieux, riches en graisses et sucres. Car la fatigue ressentie au début du printemps démontre le besoin de l'organisme de se purifier. Une « cure de printemps » avec des plantes fraîches nous procure non seulement le plaisir de cueillir, mais également l'avantage de se promener en plein air et de participer au réveil de la nature. D'instinct, le besoin de « se purger » prend le dessus, certains ou certaines se ruent alors sur la presse disons spécialisée, d'autres gambadent gaiement, le panier à la main, dans les prés et les bois, à la recherche des premières rosettes de salades printanières amères. Pissenlit, lampsane, picridie, laitue vivace, laiteron, chicorée, barbarée, ... participeront à la « dépuration » de notre organisme. Et le premier bienfait proviendra sans aucun doute de la sortie dans la nature et de la dégustation des nouvelles crudités sauvages. Mâche, violette, primevère, mauve, mouron des oiseaux, épilobe, bourse à pasteur, bourrache, consoude, asperge, houblon, armoise, ail des ours, pâquerette, plantain, oseille, tussilage, alchémille, ortie, ..., toutes les jeunes salades et jeunes pousses nous offrent leurs douceurs en cette nouvelle saison, ainsi que leurs vertus revitalisantes et nutritives. C'est la force et la fraîcheur du printemps que nous transmettent ces jeunes plantes, tout en ne coûtant rien.
Voilà l'été...
Jeunes pousses et salades tendres ont bien grandi mais il nous reste encore beaucoup de légumes en feuilles qui peuvent se cuisiner. Rumex, chénopodes, amaranthe, oseille, ortie, bistorte, mauve, consoude, angélique, tussilage, berce, bourrache, cresson, ... composeront nos tourtes, gratins et autres recettes. Nous ajouterons à nos salades des plantes rafraîchissantes, succulentes, telles que pourpier, nombril de Vénus, sédum ou des petites herbes pré-salées des bords de mer : salicorne, criste marine, cakilier...
C'est l'époque des aromates pour nos plats parfumés : sarriette, serpolet, romarin, origan, lavande, hysope, carvi, santoline, tanaisie, ... Et, en parlant de parfum, comment de pas penser aux fleurs multicolores qui égaieront nos créations culinaires et nos palais gourmets et gourmands. Du printemps à l'été, nous pourrons les ajouter aux salades (bourrache, violette, mauve, primevère, capucine, souci, ravenelle, trèfle, ...) ou nous préparer de délicieux beignets (acacia, glycine, sureau, ...). Crèmes et petits flans feront d'excellents desserts, préparés avec de l'aspérule odorante, de l'achillée millefeuilles, de la reine des prés, des pousses de sapin Douglas, ...
Des fruits pas défendus...
Ah, les fruits sauvages ! Quel régal ! Et tous nous apportent vitamines et éléments nutritifs en quantité. Car, ne l'oublions pas, à l'image des animaux, nous devons faire des réserves et renforcer notre immunité pour aborder sereinement l'hiver, même si nous n'hibernons pas et n'éprouvons pas le besoin de partir, à pieds, en grande migration vers l'autre hémisphère (quoique !). D'ailleurs, pensons à ne pas tout ramasser afin de conserver ces ressources indispensables aux petites bêtes qui doivent affronter les grands froids. C'est le moment de découvrir ou redécouvrir les cornouilles, les cenelles, l'épine-vinette, les arbouses, les amélanches, les sureaux, les prunelles, les airelles, ..., en tartes, confitures ou autre ; et puis toutes les graines et amandes, farineuses et oléagineuses, extrêmement riches en réserves énergétiques et nutritives : châtaignes, glands, faînes, noisettes, céréales, luzerne, sarrasin, amaranthe... Elles procurent à l'organisme des protides, mais surtout des glucides et des lipides en grande quantité et de façon concentrée. Et comme toutes ces graines sont faciles à conserver, nous pourrons avoir une réserve de nutriment pour l'hiver. N'oublions pas leurs rôles dans le développement de l'agriculture et des civilisations.