Les plantes sauvages en randonnée itinérante
Mise en pratique : Les plantes sauvages en randonnée itinérante...
Un sac à dos de 15 kg sur le dos, nous partons pour une randonnée itinérante de plusieurs jours en montagne.
Mine de rien, çà pèse, et à la fin de la journée, quel bonheur de s'en séparer ! Qu'y-a-t-il donc dans ce sac qui nous fait plier l'échine et regarder les talons du copain devant nous ?
Et bien justement, uniquement le nécessaire de vêtements et matériel déjà bien sélectionné. Alors ? Oui, la nourriture... Mais il faut bien manger, prendre des forces pour l'étape du jour et celle du lendemain. Et une bonne nourriture copieuse, au bon goût, et variée, c'est essentiel. Seulement voilà, le poulet cuit, les boîtes de cassoulet et de haricots verts, la tomme de fromage, le kilo de patates et les oranges auront vite fait de vous décourager et vous ne profiterez pas beaucoup du cadre grandiose dans lequel vous randonnez. Quel dommage !...
Donc, que reste-il pour ne pas souffrir du poids : les aliments déshydratés. Certes, ce n'est pas la panacée, mais ils ont le mérite d'être légers et nutritifs. Mais, que reste-il encore ? Regardez autour de vous... Oh, merveille, c'est l'abondance !
Les plantes des bords de sentiers, des pâturages, des bois... autrement dit, ce qui ne pèse rien ! On ramasse et on cueille au jour le jour, suivant les lieux et les rencontres, suivant les goûts et l'imagination. On déguste en marchant et on cuisine le soir sa cueillette, près de la tente ou au refuge.
Deux en un ! Nous retrouvons du goût à nos repas améliorés et une qualité nutritive « fraîche » que n'ont pas les aliments déshydratés.
Ah, Mère Nature, tu nous gâtes, et nous ne te remercierons jamais assez !
Une richesse en rando ...
Alors plus sérieusement, outre l'intérêt botanique, cuisiner les plantes récoltées dans les prés, les bois et sur les sentiers est un régal de saveurs et de découvertes. Une vraie stimulation de la curiosité qui permet d'agrémenter les repas de façon originale. Ceci est d'autant plus vrai dans le cadre d'un groupe, pour des personnes habituées aux menus « standards » appauvris en éléments essentiels et aux qualités gustatives parfois douteuses, du moins souvent faibles et normalisées.
En randonnée itinérante, nous savons tous combien le rapport entre le poids du ravitaillement, la qualité et la variété des aliments est difficile à trouver et combien il intervient sur le déroulement du séjour et la convivialité de chaque repas à l'étape.
Sans aller jusqu'au « stage-commando-survie » et ronger des racines (quoique ...), faire l'effort d'agrémenter le souper d'une petite salade « sauvage » ou de quelques champignons ramassés durant la marche, à la pause ou le soir au refuge, ajoute une petite touche d'originalité et de découverte, et embellit de couleurs et de goûts la table traditionnelle « soupe déshydratée/pâtes/fromage »...
Les plantes sauvages comestibles font partie de la richesse de nos montagnes et les cuisiner est une rencontre avec la nature au même titre que la découverte de la faune, de la flore, de la géologie, et autres sujets. Cela participe quelque part à l'éducation de la curiosité et du goût, bref, aux menus plaisirs de la vie...
L'alimentation en randonnée ...
Partir randonner un ou deux jours ne demande pas d'adaptations particulières du régime alimentaire. On peut commettre quelques erreurs dans son alimentation et son hydratation, et quelques manques d'apports nutritionnel et énergétique. Mise à part l'hypoglycémie, les conséquences d'un mauvais régime alimentaire pendant la pratique sportive qu'est la randonnée en montagne se feront surtout sentir à moyen et long terme. Après un week-end de « crapahute », nous rentrons chez nous et récupérons tranquillement, en dehors de l'activité.
Mais pour trois jours et plus, le régime « saucisson-camembert-pinard » devient inadapté et très insuffisant ! Il faut commencer à gérer un minimum ses efforts, directement liés aux parcours, à notre fatigue cumulée, à nos réserves énergétiques et à nos capacités à les reconstituer. C'est là qu'intervient la qualité de notre alimentation. Il faut qu'elle soit suffisamment énergétique pour compenser les pertes et bien répartie pour éviter les « coups de pompe » et prévoir les efforts à fournir. Enfin, elle doit être variée pour apporter tous les éléments nécessaires au bon fonctionnement musculaire... et intellectuel (si, si !).
Sans rentrer dans la diététique technique, les apports en glucides, lipides et protides doivent être équilibrés et suffisants. En terme énergétique, le rapport est 4 parts de Glucides, 2 de Lipides et 1 de Protides. Par contre en rations (grammes), le rapport est 4 de Glucides pour 1 de Lipides et 1 de protides. Les lipides ont un rendement énergétique supérieur aux protides, ce qui explique la différence des rapports, entre l'énergétique et les rations alimentaires.
Il est estimé qu'une randonnée de 6 h en moyenne montagne dépense 3000 calories. Et qu'ainsi il faut prévoir :
- 1800 calories provenant des glucides, soit 450 grammes par jour (400 g de sucres lents et 50 g de sucres rapides);
- 810 calories provenant des lipides, soit 90 g par jour (45 g de graisses animales et 45 g de graisses végétales);
- 390 calories provenant des protides, soit 98 g par jour (49 g de protéines animales et 49 g de protéines végétales).
Bien entendu, ces chiffres ne représentent qu'une moyenne et un ordre de grandeur. Ils dépendent du randonneur, de la durée et de l'intensité de la marche, de l'altitude, des conditions climatiques, du poids du sac, etc.
A côté de tout çà, certaines substances doivent se trouver dans l'alimentation et de façon quotidienne, car nous les mettons en réserve très rarement. Il s'agit des vitamines, les plus importantes étant les vitamines B (B1, B6) et C, les sels minéraux (sodium, calcium, magnésium, potassium, phosphore, ...) et les oligo-éléments (fer, zinc, iode, etc.).
C'est compliqué !...
Mais ne vous inquiétez pas, la plupart du temps ces besoins sont respectés d'instinct. Sauf qu'en randonnée itinérante, les facteurs poids du sac, efforts et psychologie peuvent déséquilibrer non pas les besoins mais les apports.
Le petit-déjeuner et le souper sont très importants. Il faut manger surtout des glucides et un peu de tout. Finalement, c'est simple ! Le soir, un bon plat unique en soupe bien épaisse avec féculents et légumes est très bien. Le repas du midi ne doit pas être trop copieux pour éviter que la circulation sanguine de l'appareil digestif ne prédomine sur l'oxygénation des muscles, et ... du cerveau !
Les collations aux pauses sont des mini-repas, elles apportent un peu de tout en petite quantité, protéines, lipides et glucides. Un des meilleurs moments pour les fruits. Des pauses régulières permettent en générale d'éviter les hypoglycémies.
Et surtout n'oubliez pas de boire (de l'eau !) très régulièrement en petite quantité, avant même d'avoir soif.
Et les plantes sauvages dans tout çà ? ...
Pour revenir plus précisément à ce qui nous intéresse, les plantes sauvages que nous pourrons rencontrer sur notre chemin, sur les lieux du bivouac ou aux alentours du refuge, sont d'une richesse nutritive bien supérieure aux plantes cultivées.
Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, elles contiennent souvent beaucoup de vitamines (parfois énormément de vitamine C comme le cresson des fontaines et le cynorrhodon de l'églantier), sels minéraux et oligo-éléments indispensables. Les plantes renferment bien sûr beaucoup de fibres, qui nous éviteront la constipation, et des protéines végétales. Une plante comme l'ortie dioïque contient deux fois plus de protéines que le soja si réputé. Equilibrées en acides aminés et donc de même valeur que les protéines animales, celles de l'ortie pourront éventuellement compenser le manque de viande.
Nous consommerons et récolterons les plantes un peu spontanément, par vaux et par monts. Par exemple, elles seront mangées crues au cours de la journée et à midi, et cuites le soir pour améliorer le repas. Sans oublier la convivialité de cuisiner ensemble, de réaliser une bonne soupe d'idées, d'imagination et de savoir-faire...
Grâce à ces richesses nutritives qui poussent spontanément là où nous évoluons, nous emportons finalement un peu moins de ravitaillement classique. C'est un gain de légèreté important transformé en gain de plaisir, pour randonner sans souffrir (ou pas trop !).
Mais c'est aussi une nouvelle approche de la randonnée et de la découverte de notre environnement. Goûter les plantes sauvages en randonnant nous apporte des nutriments et un plaisir gustatif nouveau qui s'ajoute à la découverte des lieux. Nous apportons une variété dans nos menus « rando » et évitons une certaine monotonie des repas.
La récolte des plantes ...
Inutile (quoique...) de vous dire de ramasser ou cueillir uniquement des plantes complètement identifiées de façon précise, dont vous êtes sûr du spécimen et de son intérêt... Si possible, il vaut mieux récolter dans des endroits éloignés des routes, non traités chimiquement et non fumés. Reportez-vous aux chapitres correspondants sur la pollution, la toxicité et la récolte des plantes. Si la prudence est de rigueur, elle ne doit pas nous empêcher de déguster et découvrir de nouvelles saveurs. Chez les plantes, de nombreuses espèces facilement reconnaissables sont présentes en plaine et milieu montagnard. Elles nous tendent les bras ... Alors prenons le temps de les cueillir et de les ramasser au fil de nos balades, puis de les accommoder simplement suivant nos moyens, nos goûts et notre inspiration.
Le printemps est l'époque durant laquelle les plantes comestibles sont les meilleures (en montagne, le retard de végétation peut permettre des récoltes plus tardives) : jeunes pousses et jeunes feuilles sont tendres à souhait, surtout en salades. Dégustées fraîches, les plantes conservent mieux leurs éléments nutritifs.
On peut faire blanchir et cuire les plantes plus dures, ou au goût un peu trop prononcé, et même parfois utiliser les fleurs et les racines.
Récoltez les plantes dans un panier (si vous partez randonner avec un panier...), sinon un sac en tissu ou en papier, sans les écraser ni les compresser.
Si elle proviennent d'un habitat « douteux » (risques de larves de parasites), comme le cresson des fontaines, plongez la plante quelques heures dans de l'eau salée (1 cuillère à soupe pour 1 litre d'eau), puis lavez à l'eau propre. Le plus sûr reste encore la cuisson.
Les baies, consommées en général sur place dans un élan de gourmandise, seront rarement rapportées au refuge... Sinon une compote, ou une confiture, s'impose mais elles sont si bonnes fraîches, prétexte pour une petite pause ! Si par miracle vous avez un four à disposition au refuge, préparez donc une tarte mais cela demande plus de manipulation, d'ingrédients et de temps. A défaut de four digne de ce nom, une poêle permet de cuire la pâte sans les fruits.
Mais le fait est avéré : les fruits sont dégustés en cours de route ! Laissons alors ces petits plaisirs à la spontanéité du déroulement de la randonnée.
Petits trucs...
Une des difficultés en randonnée est de trouver un minimum d'ingrédients pour cuisiner un peu la récolte et améliorer le plat de quelques tours de passe-passe. Quelques idées avec quelques ingrédients sont cités ici, à chacun son « fond de sac culinaire » (voir le paragraphe ultérieur "Une idée de fond de sac"), sa récolte et son imagination, et suivant les ressources du lieu et les relations diplomatiques entretenues avec l'agriculteur le plus proche du bivouac !
Ainsi, on peut adoucir les plantes en ajoutant des carottes râpées, des pommes, des oignons hachés, des pommes de terres cuites, de l'œuf dur, de la vinaigrette ou seulement de l'huile émulsifiée à froid.
Il est parfois nécessaire de les blanchir l'eau bouillante quelques minutes pour les adoucir et enlever l'amertume. C'est le cas du plantain et des feuilles de tussilage par exemple.
Lait (même déshydraté), yaourt, fromage blanc, crème fraîche, lient très bien les différentes herbes et adoucissent le goût en épaississant le plat. Avec de la pomme de terre écrasée ou non, ce plat sera très nutritif. Cette dernière peut-être très bien remplacée par de la mie de pain, de la purée déshydratée ou des céréales (blé précuit, flocons d'avoine...).
Pour cuire les plantes à la façon des épinards, on peut ajouter du roux (farine+beurre fondu).
En soupe, on pourra aussi ajouter au moment de servir des céréales et du lait, crème fraîche, ou yaourt.
Quant aux plantes plus dures (par exemple des pissenlits entiers à la floraison), on peut les faire cuire dans une poêle couverte, à feux doux, avec un peu d'eau et de sel.
Recettes de base...
Voici deux « recettes de base », mélodies à siffloter suivant votre inspiration et vos ressources...
La première version :
Ø Laver et blanchir éventuellement la plante pour enlever l'amertume.
Ø Faire bouillir dans un peu d'eau les feuilles ou pousses lavées (de pissenlits, d'orties par exemple) et laisser se décomposer.
Ø Vider la casserole et mettre de côté le bouillon.
Ø Faire revenir dans l'huile un oignon coupé en morceaux, ajouter un peu de farine (ou gruaux d'avoine, mie de pain).
Ø Verser le bouillon, faire bouillir, assaisonner avec du sel, de l'ail, ou de la muscade.
Ø Ajouter les feuilles coupées en petits morceaux et ré-assaisonner éventuellement.
Et seconde version :
Ø Laver et blanchir éventuellement la plante pour enlever l'amertume.
Ø Hacher les feuilles (oseille par exemple, pissenlit, plantain...), assaisonner et cuire à l'étouffée avec de l'oignon coupé et revenu dans de l'huile, jusqu'à ce que les feuilles se décomposent.
Ø Éplucher et couper en petits morceaux des pommes de terre. On peut aussi utiliser des céréales (blé, gruaux d'avoine), ou encore lier les légumes avec de la farine ou de la mie de pain.
Ø Ajouter les pommes de terre aux feuilles et recouvrir avec du bouillon (cubes ou extrait végétal, sinon de l'eau ...). Saler.
Ø Amener à petits bouillons et cuire les pommes de terre. Écraser ou mixer la préparation.
Ø Rallonger avec de l'eau ou du lait pour obtenir la consistance désirée et ré-assaisonner s'il le faut.
Ø La soupe est prête, ajouter de la crème, ciboulette ou achillée millefeuille, cerfeuil musqué...
Une idée de fond de sac ...
Quand nous partons en randonnée itinérante, nous emportons un minimum indispensable et irréductible, quelque soit la durée de l'aventure. C'est ce qu'on appelle le « fond de sac », ce qu'il faut toujours avoir. En général, il est surtout dédié à la sécurité : couverture de survie, sifflet, lampe, pile, boussole, couteau, pharmacie, corde ...
Mais, pour ce qui nous concerne, nous nous intéressons plutôt au « fond de sac culinaire », ce qui ne dispense pas de la pharmacie ! C'est le « petit plus » qui permet de ne pas emporter trop d'aliments lourds et encombrants si nous savons profiter des merveilles que nous rencontrons sur notre chemin.
Si vous campez, vous aurez forcément avec vous un réchaud à gaz et quelques gamelles en aluminium, légères. Si vous allez de refuges en gîtes d'étapes, vous préparerez peut être vous même votre repas le soir. Alors vous porterez moins dans le sac à dos et vous pourrez vous permettre d'avoir un fond de sac culinaire plus élaboré. Donc, suivant le type de randonnée que vous entreprendrez, le minimum variera. Il faut bien « peser » ses besoins et créer son petit fond de sac malin. Chacun piochera dans la liste qui suit, petites idées à moduler.
Mais alors, que puis-je emporter ? ...
Ø une tête d'ail
Ø un oignon
Ø une boîte de sucrettes (500 sucres pour une dizaine de grammes...)
Ø sel, poivre (petites salières ou boîtes de pellicules photo)
Ø petite fiole (bouchon à vis) d'huile d'olive
Ø petite fiole de vinaigrette
Ø lait en poudre (dans un sac de congélation)
Ø farine (idem)
Ø un sachet de purée déshydratée, blé précuit, flocons d'avoine...
Ø une petite brique de crème liquide UHT
Ø carrés de beurre enveloppé (déconseillé en été !)
Ø bouillon cubes ou viandox
Ø sacs en papier pour la récolte de plantes pendant la journée
Ø ...
L'ensemble du ravitaillement, s'il est réparti sur tous les membres du groupes (ce que nous vous conseillons ...), ne pèsera pas trop pour chacun. Autant dire alors que le fond de sac n'est qu'une goutte d'eau. Il ne vous durera peut être pas toute la randonnée mais agrémentera sans aucun doute quelques repas rustiques. Et vous pourrez probablement le reconstituer à l'étape.
Si les « recettes de base » précédentes sont surtout destinées aux bivouacs, avec peu de moyens matériels, il est possible de réaliser d'autres recettes plus élaborées mais néanmoins simples. Le Tome 2, avec des conseils culinaires et près de 150 recettes faciles à réaliser pour cuisiner les plantes sauvages comestibles, vous permettra de varier encore plus vos menus et de découvrir d'autres saveurs (voir en fin d'ouvrage « Découvrir sur le terrain »).
Vous trouverez souvent dans les refuges et gîtes d'étape quelques ustensiles qui vous permettront de cuisiner un peu plus les repas que dans les gamelles de camping-gaz. Mais même en bivouac, avec un bon fond de sac culinaire et de l'imagination, vous ferez dans le raffinement !
Pensez également à décorer vos salades et plats de légumes tout simplement avec quelques fleurs et capitules (violettes, pâquerettes, pissenlits, tussilages,...). C'est la touche finale, comestible de surcroît.
Alors osez et laissez vous tenter par les saveurs sauvages de la nature, et bonne randonnée !